La pluie à Huê

Après plus de 40 ans, j’ai pu retourner à Huê par temps de grande chaleur, malgré qu’on était déjà en janvier 2007, le 12è mois selon le calendrier lunaire, en plein hiver.

Arrivée à Huê à 19h par le vol depuis Saigon, après s’être installée et dîner,  Yến m’a emmenée faire un tour de Huê la nuit, depuis la maison jusqu’à « An Cựu », traversant le pont « cầu mới », entrant dans « thành nội », suivant la rivière de parfum, traversant le pont « Trường Tiền » puis retour au point de départ…

Les rues d’antan sont toujours là. Avec leurs rangées d’arbres toujours debout dans le silence de la nuit, je suis assise derrière Yến. J’étais heureuse d’être à Huê dans un voyage non prévu. Le pont « Trường Tiền » ne m’attire plus comme avant. Il n’y a plus de jeunes filles en habit blanc ou violet sur leur bicyclette, traversant le pont, laissant leur habit s’envolant au gré du vent.

Aujourd’hui on ne rencontre plus à Huê de jeunes filles aux longs cheveux sous des chapeaux coniques, une production locale très célèbre de Huê que les visiteurs n’oubliaient jamais d’acheter pour les offrir à leur maman, sœurs ou amoureux. Maintenant, à l’heure d’école, Huê est remplie de jeunes filles et jeunes garçons sur des motocyclettes, s’habillant à la dernière mode. Je suis comme perdue et triste. Il me manquait quelque chose que je n’arrivais pas à deviner à quoi cela pouvait correspondre…

Pendant les deux semaines sur place, chaque jour Quỳnh Phi, une fille d’un ami m’amenait au travail ou rendre visite à des lieux divers, comme les stands de dégustations de « chè », « bánh bột lọc », « bánh bèo »… Assise derrière la motocyclette, je me sentais rajeunie comme si j’avais 20 ans, heureuse en me fondant dans le rythme de la vie ici.

Un trait particulier de Huê est la pluie…

Etre à Huê sans voir la pluie est un grand manquement…C’est ne pas connaître Huê.

La pluie à Huê n’est pas aussi forte qu’à Saigon. Elle est fine comme la poussière, se traînant sans cesse. Elle peut tomber et s’arrêter à tout moment. Il peut faire soleil et d’un instant à l’autre elle est là. Elle peut durer des jours, des semaines. Ainsi est la pluie à Huê, il en tombe doucement, comme un chuchotement, mais suffisamment pour mouiller les habits…Il en tombe tellement que les maisons et les jardins n’ont pas le temps de sécher. J’ai l’impression que la pluie traverse les toits, les murs des maisons et les pourrit. Avec le temps, l’humidité gagne la maison, la rendant froide. On a du mal à dormir la nuit, malgré des couches de couvertures…Des couches de vêtements…Des bonnets, des écharpes…Des chaussettes aux pieds…Rien ne fait, le froid est toujours là.

Tous les matins, après le petit déjeuner, Yến m’amenait au marché. J’avais l’impression d’avoir perdue cette habitude. Alors je trouvais le temps long, en plus la pluie nous suivait. Les stands de poulets, de viandes, de légumes sont tous mouillés. Les sandales, les claquettes laissaient les pieds mouillés. Personne ne trouvait à redire, les gens sont sans crainte sous la pluie, on faisait comme si de rien n’était…

Au stand des poissons, Yến choisit sans distinction des poissons d’eau douce et de mer pour préparer les repas. Pendant deux semaines, j’ai pu manger du poisson tous les jours. Un changement par rapport à Paris, où je mange le plus souvent de la viande. De peur de rendre la maison mal odorante, à cause de mon mari qui n’aime pas le poisson, alors il trouve des prétextes pour que je n’en cuisine pas.

Huê a subit beaucoup de transformations, mais la pluie de Huê reste et rend malheureux la population. A cause du froid, elle n’avait pas assez de vêtements chauds, ou leur habitation n’est pas suffisamment isolée ou reste sans chauffage. Elle commence à s’inquiéter lorsque la pluie arrive, chaque maison a son lot de difficultés, les vêtements sont toujours mouillés. Dans des maisons pendaient toujours les vêtements après lavage, ils n’avaient pas le temps de sécher…

Dans l’antan, chaque fois que j’allais à Huê, vers le mois de juillet, la saison des lotus arrive au lac « Tịnh Tâm ». A midi, après le déjeuner, j’allais au bord du lac les admirer. Les fleurs de lotus bougeaient avec le vent, les bourgeons s’élançaient au dessus des feuilles, se déployaient comme la paume d’une main comme pour soutenir le lotus. Un parfum léger se dégageait des lotus blancs et roses mélangés. On dit que les lotus d’ici sont les meilleurs.

Tout le monde appréhendait le froid s’il fallait aller à Huê en hiver. Comme d’habitude, j’avais prévu des vêtements d’hiver…

Mais le ciel est capricieux, comme pour me faire endurer la chaleur comme auparavant, il faisait chaud à la sortie de l’avion. J’étais plein de sueur, redoutant de devoir acheter des vêtements légers. Mais dès le lendemain, il commençait à pleuvoir. La pluie a duré pendant les trois semaines où j’étais à Huê jusqu’au moment où nous prenions l’avion pour Hanoi. Tous mes vêtements d’hiver n’ont pas suffit.

La pluie à Huê est imprévisible, on doit se préparer avant, sinon on peut tomber malade.

Peut-être que çà faisait longtemps que je ne suis plus allée à Huê,  ainsi je ne retrouvais plus les imperméables avec le devant à boutons. Je ne trouve que des pèlerines qu’on enfile par la tête comme des anciens ponchos des soldats. Des gens assis derrière les motocyclettes enfilaient le poncho par en dessous. Il y avait même des ponchos à doubles têtes, très amusant à regarder. Mais c’était bien dangereux car les imperméables volaient au gré du vent, s’ils s’accrochaient aux roues, quelle seront les conséquences ?

Chaque jour après le réveil, si je n’allais pas au marché avec Yến, alors je me retrouvais au cybercafé pour envoyer des e-mails et prendre des nouvelles. La pluie me tombait doucement sur les joues, la tête comme pour me tirer du sommeil. Comme les trottoirs sont mouillés, j’avais peur de glisser, alors je marchais sur la chaussée, faisant attention à la circulation. Parfois je prenais des salves d’eau de pluie projetés par des chauffards avec leurs véhicules.

Après s’être habituée aux itinéraires, je commençais à observer les alentours. La rue menant au marché, longeant le fleuve « An Cựu » qui coule silencieusement depuis des temps, témoin de la vie pendant des siècles dans des poèmes, des chants sur Huê…Des ponts ont été construits pour permettre à la population d’atteindre facilement « thành nội » comme les ponts « Lò Đúc », « Lò Rèn », « An Cựu », « Mới » ou  « Phú Xuân »…Ici, dans l’ancien temps, c’était la terre des rois et des reines, enfants de la dynastie des Nguyễn. Ainsi j’ai pu voir encore des portes au nom de « phủ Tùng Thiện Vương », etc.…

.. sông An Cựu nắng đục mưa trong

Au bord du fleuve, j’ai pu voir des autels de toutes tailles, avec des bols pour planter les encens. Ils sont disposés au pied des « cây đa » ou des « cây si » aux racines qui rampent sur le sol, créant une atmosphère de croyances religieuses.

Phuong Oanh.

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